Il y a six mois, j’écrivais « L’Afrique a-t-elle vraiment besoin d’intelligence artificielle ? », où j’abordais déjà l’importance de l’open source dans le développement de l’IA sur le continent.
Aujourd’hui, je souhaite élargir cette réflexion à l’open source dans sa globalité : un sujet qui, selon moi, dépasse la simple technologie pour toucher à la démocratie, à la souveraineté et même au patriotisme.
À l’origine, l’open source concernait les logiciels. Mais aujourd’hui, il s’étend au matériel (Open Hardware), aux données, etc. Pour faire simple :
Un logiciel open source est un logiciel que tout le monde peut utiliser, étudier, modifier et partager librement.
Deux courants historiques ont marqué sa philosophie :
L’open source est partout : Firefox, VLC, LibreOffice, Python… Même votre smartphone Android repose sur un noyau Linux ! Contrairement à une idée reçue, open source ne signifie pas toujours gratuit – certaines licences permettent de vendre le logiciel (on y reviendra).
L’open source représente un levier multidimensionnel pour les États africains, combinant transparence démocratique, autonomie stratégique et développement endogène.
L’open source incarne une philosophie de gouvernance auditable par défaut. En privilégiant des logiciels dont le code est accessible, les États renforcent la confiance citoyenne : chaque outil numérique (gestion des services publics, collecte de données fiscales, etc.) peut être examiné par des experts indépendants. Cela limite les risques de corruption, de surveillance abusive ou de dépendance envers des acteurs étrangers dont les priorités divergent des intérêts nationaux.
L’open source offre une base technologique gratuite et modulable pour l’industrialisation. Des plans détaillés (Open Hardware) de machines agricoles, de systèmes d’énergie solaire ou d’outils de production industrielle sont disponibles en ligne. Ces ressources permettent aux pays africains de :
Dans un domaine aussi sensible que la défense, l’open source permet de développer des solutions souveraines et adaptées aux défis régionaux. Par exemple, des logiciels open source de cybersécurité ou de communication cryptée peuvent être audités et customisés localement, évitant les failles des « boîtes noires » vendues par des fournisseurs étrangers. Cela renforce la résilience face aux cyberattaques ou aux ingérences extérieures, tout en cultivant un savoir-faire critique pour la sécurité nationale.
La « montée en compétences » devient alors un cercle vertueux : plus les États investissent dans l’open source, plus ils génèrent de l’emploi qualifié ; plus ils génèrent de l’emploi qualifié, plus ils peuvent complexifier leurs projets… et ainsi concurrencer les géants globaux sur un pied d’égalité.
L’open source offre aux entreprises africaines un avantage stratégique en combinant réduction des coûts, innovation collaborative et attractivité.
Les développeurs privilégient les entreprises contribuant à l’open source (transparence, engagement). Ouvrir une partie du code non stratégique stimule les contributions externes (bugs corrigés, optimisations).
Une startup agricole open-source son algorithme de prédiction de récoltes, attire des contributions, vend des capteurs IoT et un SaaS premium. Résultat : leadership régional et partenariats publics.
L’open source offre à la diaspora africaine un canal concret pour transformer son expertise en impact direct sur le continent. Loin de se limiter à des transferts financiers, cette contribution technologique redéfinit la notion d’engagement patriotique.
Les professionnels expatriés (développeurs, ingénieurs, designers) peuvent participer à des projets open source répondant à des enjeux locaux :
La diaspora apporte des compétences acquises dans des écosystèmes tech matures (méthodologies agiles, gestion de projets complexes, cybersécurité). Par exemple :
L’open source permet aux talents expatriés de rester connectés à leur pays d’origine, même à distance. Un data scientist nigérian à Montréal peut :
Cette approche positionne l’Afrique non plus comme un simple « consommateur » de technologies, mais comme une cocréatrice, avec sa diaspora comme accélérateur. En combinant expertise globale et ancrage local, l’open source incarne une réponse pragmatique aux défis du continent – et un antidote au fatalisme technologique.
L’open source offre à l’Afrique un modèle de développement inclusif et souverain : il forme une jeunesse tech via l’apprentissage pratique, protège les libertés citoyennes grâce à des outils auditablement transparents, et transforme la diaspora en force contributive. Pour amplifier cet impact, des pistes restent à explorer :
L’open source n’est pas une révolution silencieuse. C’est un choix politique : celui de privilégier le bien commun sur les intérêts privés, la collaboration sur l’isolement. Pour l’Afrique, c’est l’occasion de réécrire les règles du jeu tech – non pas en copiant les modèles étrangers, mais en inventant des solutions hybrides, ancrées dans ses cultures et ses défis.
Toutefois, cette voie exige de ne pas tomber dans un nouvel angélisme : l’open source ne remplacera jamais des écoles fonctionnelles, des institutions intègres ou une industrie diversifiée. Il est un outil, puissant mais incomplet, dans la boîte à outils du développement. Comme le dit un proverbe fang : « Une main seule ne peut attacher un paquet ». L’open source en est une – essentielle, mais à coordonner avec les autres.
Pour approfondir vos connaissances et explorer des outils avancés, voici quelques ressources incontournables :
Ma recommandation musicale du jour : à écouter sans modération !
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